"Harleen" est le fruit de la collision de deux univers que j'affectionne particulièrement : L'univers Batman du DC BLACK LABEL, et l'univers de Stjepan Sejic que vous avez pu notamment admirer dans sa saga SUNSTONE racontant la naissance d'une histoire d'amour en parallèle de la découverte des relations de domination et du fétichisme. Alors que donne cette adaptation d'une des plus célèbres méchantes de l'univers Batman ?
SYNOPSIS :
Harleen Quinzel est une jeune femme brillante. Après ses études en psychiatrie, elle émet une hypothèse qui lui permettrait de guérir n'importe quel psychopathe. Très vite, son intérêt va se tourner vers la population criminelle de Gotham, et notamment celle qui se trouve derrière les portes terrifiantes de l'asile d'Arkham. Son destin sera scellé lors de sa rencontre avec l'un de ses patients les plus célèbres : Le Joker.
Autant vous le dire tout de suite, j'ai beaucoup beaucoup beaucoup aimé ce one-shot (ou pas ?) de Sejic. Il y dépeint une Harleen Quinzel en proie au désir de l'interdit et luttant avec un passé et des émotions qu'elle ne maîtrise pas (ce qui manque grandement au background du personnage dans ces diverses adaptations cinématographiques). Si l'on peut reconnaître une qualité à Stjepan Sejic, au delà de la qualité de son dessin dont on reparlera juste après, c'est celle de savoir construire la psychologie de ces personnages et leur donner vie de manière réaliste. Et c'est ce qu'il fait avec Harleen Quinzel qu'il présente tour à tour comme une jeune femme avide de montrer au monde ses capacités à soigner et à relever les défis avant que sa rencontre avec le Joker ne commence à chambouler ses émotions et ses motivations.
De même, un travail intéressant est mené sur le Joker qui montre sa qualité d'acteur et son coté pervers. C'est un Joker encore jeune que l'on retrouve ici. Bien que déjà psychopathe et clownesque, il est profondément humain et désireux de prendre l'ascendant sur toutes les personnes qui l'entourent. Car finalement, c'est de cela que parle le "Harleen" de Sejic, de la relation toxique qui se crée entre deux êtres humains lorsque l'un des deux manipule l'autre en jouant sur ses peurs et ses failles. Et c'est tout l'esprit de la Harley Quinn créée par Paul Dini et Bruce Timm. Le Joker ne voit en son arlequin qu'un outil efficace dans ses campagnes criminelles, elle est dispensable. De son côté, Harley éprouve un amour sincère pour celui qui l'a créée/libérée. Pensant cette passion réciproque, elle est prête à donner sa vie dans un aveuglement transi.

Et chose promise, chose due, parlons un peu du dessin de l'auteur. C'est une particularité que l'on pouvait déjà admirer dans ces œuvres précédentes, mais Sejic arrive à capter un regard, une intention dans ses personnages qui est remarquable. Ce comics se concentre énormément sur la psychologie des protagonistes et leurs rapports à l'autre, il était donc nécessaire pour créer un récit cohérent et imprégnant que le lecteur puisse transcrire en pensée chaque geste et chaque regard couché sur le papier. Cette condition est remplie dans "Harleen". Il suffit de se plonger dans le regard du Joker ci-dessus pour comprendre ses intentions, imaginer son plan, et voir dans l'expression d'Harleen celle d'une pureté sacrifiable. Il est même entendu que le Joker brise le quatrième mur de papier pour prendre le lecteur en faute. Vous aussi vous voulez la voir sombrer, la voir se réaliser cette fin attendue du Dr. Quinzel et l’avènement de Harley. Le Joker vous offre la balade.
Et c'est aussi une des forces du dessinateur. Il sait exactement quand appuyer son dessin pour capter les éléments cruciaux et quand se concentrer sur un mouvement, une suite d'idée, pour relâcher l'attention de son lecteur. A l'instar de son héroïne, le lecteur tombe dans le piège de cesser au fur et à mesure de partager les désirs d'Harleen pour épouser de plus en plus ceux du Joker. En définitive, on sent derrière l'écriture et le dessin un véritable amour des personnages et de la manière de les transcrire sur papier et c'est vraiment agréable.

En conclusion, ce sera sans doute un réel plaisir de découvrir "Harleen" pour ceux qui ignorent encore tout de l'histoire du Docteur Quinzel et c'est une belle adaptation pour les aficionados qui redécouvriront cette origine sous le crayon de Stjepan Sejic. Dans le cadre d'une production collective sur Harley Quinn (Harley Quinn: Black + White + Red), Sejic a repris son personnage en imaginant une histoire courte postérieure à celle-ci. Alors peut-être verrons nous d'autres histoires autour du Docteur Quinzel prochainement, en tout cas on l'espère.
Je vous invite donc à lire ce comics et à vous faire un avis, car après tout, rien ne vaut votre propre avis.
De Stjepan Sejic
Éditeur : Urban Comics Editions
224 pages