Après s'être illustrée comme co-créatrice de la série Westworld, Lisa Joy réalise son premier film avec Hugh Jackman et Rebecca Ferguson. "Reminiscence" vient de faire son apparition dans nos salles de cinéma après de nombreux reports et avancements de date. Alors, que vaut cette première réalisation de Lisa Joy qui nous plonge à la fois dans le monde de la science-fiction et dans l'univers des polars ?
SYNOPSIS :
Au tournant de l'ère du réchauffement climatique, le monde a sombré dans la guerre et s'est noyé lors de la montée des eaux. Nick Bannister, un ancien soldat, s'est reconverti dans l'exploitation de la réminiscence, une technologie permettant de revivre ses souvenirs. Entre l'exploration des souvenirs de clients nostalgiques et interrogatoires mémoriels pour le bureau du procureur, Nick Bannister rencontre Mae, une chanteuse qui va le plonger dans une enquête mêlant passé et présent.
La science-fiction est un genre toujours compliqué à exploiter. Il ne suffit pas de créer une technologie pour réussir à faire de la science-fiction, encore faut-il en justifier la création et l'utilisation. Et ici le contrat est rempli puisque la technologie, bien que reposant parfois sur des mécaniques scénaristiques, fonctionne bien et est agréablement portée à l'image. De sa création pour un besoin d'interrogatoires militaires à sa généralisation commercial pour le grand public, la technologie de la réminiscence suit le parcours classique des grandes inventions. En filigrane du film, on retrouve le thème commun de l'addiction que partagent tous les personnages. Qu'il s'agisse de drogue, d'amour, d'alcool ou de nostalgie, l'addiction ne permet pas aux personnages de vivre, elle les plonge simplement dans une prison mentale de laquelle on ne s'échappe qu'en acceptant d'y abandonner quelque chose.
Mais ne parler pour "Réminiscence" que de science-fiction est un tort. Si effectivement, le film se base dans un univers de science-fiction mêlant la vie d'un monde détruit par son apocalypse climatique aux voyages à travers le passé des souvenirs, il n'en reste pas moins qu'il s'agit d'un polar intense aux intrications étonnantes. Le ton du film rend un réel hommage aux polars noirs autant dans son esthétique laissant la part belle aux années 50-60 que dans son héros ancien soldat aux faux airs de détective privé (de la mémoire) interprété par un Hugh Jackman très en forme. De même, on retrouvera dans le rôle de Rebecca Ferguson, celui de la femme fatale, chanteuse de bar louche et mêlée à la pègre, un grand classique du genre qui ne manque jamais d'entraîner le détective dans une enquête à haut risques. Cette miction entre le polar et la science-fiction donne au film un ton tout particulier entre passé et futur, ce qui est forcément intéressant dans une histoire explorant la nostalgie des personnages.
L'inspiration première de Lisa Joy n'est pas à chercher bien loin, car si on peut effectivement y voir des références à Blade Runner, Inception, et Minority Report, c'est surtout à Westworld que l'on va penser en voyant le long métrage. Joy va travailler encore plus cette esthétique du faussement réelle et des croisements entre différents parcours de vie. Une fois encore, il s'agira pour les personnages de se plonger dans un monde factice pour y vivre un plaisir rêvé et égoïste au détriment d'une réalité mourante et sans espoir. Et c'est également l'un des grands thèmes du film que le désir de liberté des personnages qui cherche sans cesse à échapper à l'addiction qui les maintient dans un schéma de vie sans cesse répété.
Au-delà des parallèles thématiques et esthétiques, Lisa Joy va s'appuyer sur les piliers de sa série pour construire son film. Ainsi on retrouvera également au casting de "Réminiscence" les actrices Thandiwe Newton et Angela Sarafyan qui avaient déjà donné des performances époustouflantes dans le western robotique d'HBO. De même, on retrouvera également Ramin Djawadi à la musique du film qui nous livre une bande original captivante dont le thème principal marquera l'ambiance aquatique et profonde de l'univers. Ces emprunts seront plus que bienvenus et donneront un style particulier que l'on reconnaît immédiatement et qui semble-t-il sera une marque de fabrique de la réalisatrice dans ses projets futurs. On regrettera toutefois que les intrigues du scénario trouvent parfois leurs résolutions dans des révélations prévisibles sans que cela ne soit pour autant un obstacle à l'intérêt que l'on porte à son histoire.
En conclusion, "Réminiscence" est un bon polar de science-fiction qui nous emporte dans son univers avec brio. Ses intrigues parviennent à surprendre et à perdre le spectateur dans leurs imbrications avant de leur offrir une libération douce amer dans une fin qui n'a pas manqué de faire lâcher quelques larmes d'émotion à certains spectateurs. Une belle réussite donc pour le premier film de Lisa Joy que l'on gardera à l’œil à l'avenir et dont on à hâte de suivre les prochains projets.
Je vous invite donc à voir ce film et à vous faire un avis, car malgré tout, rien ne vaut votre propre avis.