UN APRES-MIDI DE CHIEN : VIVRE SANS TENDRESSE

  Quatre ans après leur première collaboration sur "Le Parrain" de Francis Ford Coppola, Al Pacino et John Cazale se donne à nouveau la réplique sous la direction de Sidney Lumet dans "Un après-midi de chien". Inspiré d'un fait divers relatant un braquage de banque ordinaire virant au tapage médiatique, le film rafle cette année-là toutes les récompenses des Oscars et des Golden Globes. Le réalisateur, adepte du cinéma qui hante les rues encrassées par la réalité et la misère sociale, s’amourache de la portée sociétale du casse et le transforme en porte-étendard d'un mal-être américain.   Synopsis :  Sonny et Sal entrent dans une banque par une chaude après-midi de l'été 1972 avec l'intention de faire un casse aussi rapide que lucratif. Entre désertion, improvisations et curiosités malvenues, le braquage vire à la prise d'otage ne laissant d'autres choix que la négociation ou la mort.    Les faits divers, et notamment ceux mettant en scène de

COUPEZ ! - MIROIR, MON BEAU MIROIR...

Projet étonnant que l'on a vu fleurir il y a quelques mois en bande-annonce, avant d'éclore en ouverture du Festival de Cannes, "Coupez !" de Michel Hazanavicius est un remake de "Ne Coupez Pas !" (de Shinichiro Ueda) qui se cache. Un secret qui semble important tant les efforts de la communication autour du film s'évertuent à masquer son existence.
Mais pourquoi donc faire autant de mystère ?

SYNOPSIS :
Une équipe de tournage filme dans un complexe abandonné un film sur une invasion zombie. Alors que le tournage touche à sa fin, de vrais zombies surgissent pour le plus grand bonheur du réalisateur qui y voit l'arrivée d'un très grand film.
Si le projet étonne tant, c'est qu'il revisite un film de 2017, donc datant de moins de 5 ans. Si la folie de la nostalgie qui envahit nos salles depuis quelques années entraîne, au même titre que leurs succès financiers, une vague de remake plus ou moins utiles (CODA, The Upside, Charlie et la Chocolaterie, Emmanuelle, ...), cela ne doit pas pour autant rimer avec plagiat et doit amener un regard nouveau sur la proposition d'origine. C'est l'un des premiers points qui fâche avec "Coupez !". Si un remake comprend forcément des scènes et une histoire communes, on se surprend à voir Romain Duris, ainsi que la myriade d'acteurs qui composent le casting, singer des pans entiers de mimiques et de gestuelles des acteurs de "Ne Coupez Pas !" et ce dès la première scène du film. Hommage ou reprise ? Il n'en reste pas moins que l'intérêt de ce mimétisme semble très peu pertinent et conduit invariablement à faire une comparaison peu flatteuse pour la copie.

Autre particularité, le film fait de nombreuses fois des références scénaristiques et visuelles à son aîné, allant jusqu'à intégrer à son casting Yoshiko Takehara qui reprend le rôle de la productrice du premier film. Une coexistence des deux films dans un univers commun qui conduit invariablement à mettre à mal la cohérence du scénario puisque la productrice s'étonne et se plaint de voir se produire des changements de scénario qui étaient déjà présents dans le premier film. Cette écriture malheureuse torpille immédiatement la filiation et la vraisemblance des incidents et gags identiques. Une erreur qui aurait pu être évitée en choisissant la voie de l'originalité, en recréant de nouvelles situations et un message légèrement différent comme aurait pu l'être une critique des remakes par exemple. 
Cependant, il faut tenir compte du fait que "Coupez !" ne s'adresse pas exclusivement aux spectateurs de son inspiration et l'analyser également comme œuvre à part entière. Il est toutefois à craindre que de ce côté-là aussi, le bilan ne soit guère plus reluisant. La mécanique du film repose sur trois actes intimement liés que sont : le plan-séquence tel qu'il est diffusé, son contexte, et la face cachée du tournage. Cette écriture permet dans un premier temps de perdre le spectateur qui se demande ce qu'il regarde, puis de lui faire comprendre que ce qu'il a vu n'était qu'un film dans le film, avant de lui révéler l'ingéniosité de l'équipe pour maintenir le film en place malgré les obstacles en cascade. Si l'on retrouve effectivement cette construction chez Michel Hazanavicius, le manque de finesse dans sa première partie révèle instantanément la supercherie tant toutes les scènes nous crie qu'elles sont fausses et qu'il se passe autre chose hors champ. Plus gênant, le scénario dans ses rares moments d'innovation se permet d'en faire des caisses avec des scènes dont l'improbabilité fait pousser de longs et bruyants soupirs. 

Au-delà d'éventer en partie l'un des aspects primordiaux du film, cette volonté de ridiculiser le tournage et de montrer à l'excès ses difficultés entraîne également la perte du message principal. Le long-métrage traite du cinéma ordinaire et sans moyens et de l'inventivité des cinéastes qui le composent dont les efforts conjoints permettent de relever des défis, avec des productions certes modestes, mais passionnées. Ici, l'accentuation de la comédie dans le ton employé amoindrie la force du symbole que représente la scène finale qui là encore se concentre plus sur l'aspect rigolard de la situation que sur l'entraide et la passion dans la production cinématographique. 

Il serait toutefois malhonnête de tout rejeter en bloc et de ne retenir que le négatif. Michel Hazanavicius a fait ses preuves dans la comédie (notamment avec OSS 117) et il parvient ici à créer un humour contagieux qui, s'il tombe complètement à plat dans son premier acte, s'avère plutôt bien fonctionner dans les deux dernières parties. À ce titre, il est bon de souligner le rôle de Jean-Pascal Zadi dans la peau d'un ingénieur du son hilarant qui donne une réelle bouffée d'air frais au milieu d'un casting parfois un peu trop conscient de son utilité drolatique. Une originalité de cette version française qui est la bienvenue. De même l'aspect gaffeur du personnage de Romain Duris permet de créer quelques belles scènes dominées par la gêne.

En conclusion, si "Coupez !" revendique la volonté de rendre plus lisible et plus compréhensible son prédécesseur, il se contente dans les faits d'en livrer une copie plus fade qui ne trouve ses moments de liberté que dans les quelques originalités qu'il se permet. On regrette que Michel Hazanavicius ne se soit pas servi de l'appui du succès de "Ne Coupez Pas !" pour proposer une œuvre différente en assumant totalement ses racines.

Allez voir "Ne Coupez Pas !", puis allez voir "Coupez !" car, après tout, rien ne vaut votre propre avis.

17 mai 2022 en salle / 1h50 min / Comédie
De Michel Hazanavicius
Par Michel Hazanavicius, Shin'ichirô Ueda
Avec Romain Duris, Bérénice Bejo, Grégory Gadebois