Quatre ans après leur première collaboration sur "Le Parrain" de Francis Ford Coppola, Al Pacino et John Cazale se donne à nouveau la réplique sous la direction de Sidney Lumet dans "Un après-midi de chien". Inspiré d'un fait divers relatant un braquage de banque ordinaire virant au tapage médiatique, le film rafle cette année-là toutes les récompenses des Oscars et des Golden Globes. Le réalisateur, adepte du cinéma qui hante les rues encrassées par la réalité et la misère sociale, s’amourache de la portée sociétale du casse et le transforme en porte-étendard d'un mal-être américain. Synopsis : Sonny et Sal entrent dans une banque par une chaude après-midi de l'été 1972 avec l'intention de faire un casse aussi rapide que lucratif. Entre désertion, improvisations et curiosités malvenues, le braquage vire à la prise d'otage ne laissant d'autres choix que la négociation ou la mort. Les faits divers, et notamment ceux mettant en scène de
LE PACTE DES LOUPS : ORGUEILS ET DÉVORÉES
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Après une sortie en salles en 2001, "Le Pacte des
Loups" de Christophe Gans s'offre ce mois-ci une ressortie restaurée en
ultra-haute définition basée sur les négatifs d'origine. Si son réalisateur
reconnaît lui-même qu'il aurait bien profité de la nouvelle diffusion pour
retoucher quelques scènes de son film, il se l'est interdit, arguant que
désormais : "Le film appartient à ceux qui l'ont découvert et aimé en
salles".
Alors,
faut-il crier au loup ou se joindre à la meute ?
SYNOPSIS
:
En 1766,
dans les montagnes du Gévaudan, une bête terrifiante hante les bois et les
prairies et tue les villageois qui s'aventurent seuls sur ces terres. Le roi
envoie Guillaume de Fronsac, son naturaliste, chez les De Monrangias pour
identifier le monstre et mettre fin à ses agissements.
Tout juste
sorti de l'adaptation de "Vingt-milles lieues sous les mers",
Christophe Gans se lance dans un projet qui lui tient à cœur, retranscrire l'histoire
de la Bête du Gévaudan mais en y adjoignant une intrigue complexe et
révélatrice d'un état d'esprit pré-révolutionnaire et enclin aux manigances de
cour. Pour ce faire, le cinéaste convoque à ses côtés un casting de haute volée
(Jacques Perrin, Jean-François Stévenin, Marc Dacascos, Monica Belluci, Samuel
Le Bihan, Vincent Cassel, Emilie Dequenne...). Tournant dans le Gers, il
s'applique un choix de décors réels qui va donner au film une grandeur
magnifiée par l'aspect morose et lugubre des bois et montagnes alentours. Un
soin tout particulier est également appliqué à la création des costumes pour
donner au long-métrage une ambiance mêlant l'austérité inquiétante des
campagnes à la magnificence superficielle des petits marquis et
duchesses.
Autre
travail remarquable que la restauration sublime par instant et démasque par
d'autres, la bête créée en animatronics reste criante de réalisme et ne
vieillit pas malgré un saut technique de 20 années. En revanche il n'en est pas
de même pour les quelques passages où la VFX prend le pas sur le physique, et
où la créature devient une ombre floue bavant sur les bords de l'écran. Le
choix, plus que bienvenu, de n'en faire un usage que des plus parcimonieux
contribue à ne pas la dépecer de ses aspects monstrueux. Un travail de
production qui, s'il a conduit à forger le respect des spectateurs pour cette
œuvre, continu à faire perdurer la force fantastique du récit.
Au-delà d'un
simple tournage de film, Christophe Gans transforme son plateau en laboratoire
de petit chimiste sur lequel il teste ses mélanges audacieux. À la clef, le
métrage s'inspire du cinéma fantastique américain, du cinéma de capes et
d'épées français, et du cinéma d'action hongkongais. Une multitude de sources
que l'on apprécie découvrir au fil des 142 minutes de l'œuvre même si parfois
le mélange verse plus dans la citation gratuite que dans la réelle idée
scénaristique. On pensera notamment au combat de Mani contre les hommes aux
griffes en acier lors de la battue, scène qui en plus d'être anachronique, est
une exposition peu inspirée sur le plan de l'intrigue.
Le
personnage de Mani (incarné par l'emblématique Marc Dacasco) est également l'un
des points moteurs de la narration. Amérindien suivant son ami fidèle le
Chevalier de Fronsac (Samuel Le Bihan), Mani communique avec la nature et est
empreint d'un mysticisme qui lui permet de voir au-delà des apparences. C'est
également la caution arts martiaux du film qui distribue les volées aux
malandrins qui croisent leur route, et ce, notamment dans une scène d'ouverture
époustouflante, usant à l'instar de "Matrix" sorti deux ans plus tôt,
de la technique du "bullet time" ralentissant le temps autour du
personnage ce qui donne aux scènes d'action une empreinte saisissante. Malgré
les anachronismes et les invraisemblances, on retrouve dans ce personnage une
grande partie des messages politico-sociétaux que le réalisateur souhaitait
faire passer. Lutte contre le racisme, écologie, rejet de l'industrialisme
obsessionnel, abandon de la connaissance des élites pour la croyance, tous ces
combats vivent dans l'écriture du compagnon de route du héros et font du bien à
un récit qui s'embourbe parfois dans une trop grande contemplation de son
enchevêtrement de pistes.
Loin de
verser dans une simplicité d'écriture trop longtemps soupçonné, le récit joue
avec sa propre conclusion, nous offrant à de multiples reprises l'impression
qu'il touche à son but avant de repartir de plus belle sur les traces d'un
nouveau monstre terré dans l'obscurité. Un petit jeu qui peut s'avérer
dangereux tant il est facile de lasser avec ce genre de mécanisme et de créer
chez le spectateur l'impression d'un interminable dénouement. C'est l'un des
principaux défauts du film : sa propension à nous offrir des scènes
d'exposition parfois longuettes et nous rappelant les défauts des différentes
castes représentées. De l'Eglise orgueilleuse et murmurante à la noblesse
oisive et inconsistante, chaque personnage du récit tire un trait versant plus
dans la caricature que dans le portrait fidèle. Cette représentation
outrancière sert également à construire les sphères autour de chaque
protagoniste, un ensemble d'éléments qui permettront de rendre les révélations
entourant le mystère de la bête du Gévaudan encore plus savoureux.
En
conclusion, "Le Pacte des Loups" est une vraie belle proposition de
cinéma qui s'offre les moyens de ses envies. Si le propos souffre parfois de
son caractère un peu trop verbeux, son ambiance immersive suffit à nous le
faire oublier et nous accroche à son récit labyrinthique bien que reposant sur
certaines bases convenues. Il n'en reste pas moins que le travail
d'hétérogénéité cinématographique fournit par Christophe Gans est impressionnant
et que la restauration du long-métrage est un ravissement pour les spectateurs
de la première heure, comme les nouveaux explorateurs du mythe.
Allez-vous
promener dans les bois (et en salles de préférence), car après tout, rien ne
vaut votre propre avis.
31 janvier
2001 / 2h
22min / Aventure, Epouvante-horreur, Historique
De Christophe
Gans
Par Stéphane
Cabel
Avec Samuel
Le Bihan, Mark Dacascos, Jérémie Renier