UN APRES-MIDI DE CHIEN : VIVRE SANS TENDRESSE

  Quatre ans après leur première collaboration sur "Le Parrain" de Francis Ford Coppola, Al Pacino et John Cazale se donne à nouveau la réplique sous la direction de Sidney Lumet dans "Un après-midi de chien". Inspiré d'un fait divers relatant un braquage de banque ordinaire virant au tapage médiatique, le film rafle cette année-là toutes les récompenses des Oscars et des Golden Globes. Le réalisateur, adepte du cinéma qui hante les rues encrassées par la réalité et la misère sociale, s’amourache de la portée sociétale du casse et le transforme en porte-étendard d'un mal-être américain.   Synopsis :  Sonny et Sal entrent dans une banque par une chaude après-midi de l'été 1972 avec l'intention de faire un casse aussi rapide que lucratif. Entre désertion, improvisations et curiosités malvenues, le braquage vire à la prise d'otage ne laissant d'autres choix que la négociation ou la mort.    Les faits divers, et notamment ceux mettant en scène de

BAC NORD : SHERIF, FAIS-MOI PEUR

 



Après un passage à Cannes très remarqué (notamment pour la séance de presse qui en a découlé où un journaliste accusait le film de faire la part belle aux idées du Rassemblement National), le dernier film de Cédric Jimenez est sorti cette semaine. S'il ne divise pas réellement sur la forme, c'est le fond qui entraîne des débats intéressants. Alors que vaut "Bac Nord" sur son fond et sur sa forme ? 


SYNOPSIS : 

Basé sur un fait divers, Bac Nord retrace le parcours de trois policiers de la Brigade Anti-Criminalité de Marseille dont le quotidien est de lutter contre la délinquance et plus particulièrement le trafic de drogue. Leur quotidien s'envenime quand une décision politique demande un coup d'éclat médiatique avec une grosse prise dans une cité. 

 


 
Le cinéma français ne nous aura jamais autant proposé de bons films sur un seul été. Effectivement, "Bac Nord" est plutôt impressionnant dans son travail des ambiances, sa photographie et bien évidemment dans sa direction d'acteurs. Le film est rythmé avec soin et nous pousse à courir tout du long derrière cette équipe de choc de la Bac Nord. L'installation des personnages est savamment distillée au fil du scénario sans nous imposer de grandes scènes explicatives. On passera donc un bon moment devant le film qui nous entraînera dans un Cop Movie classique malgré un petit détail : nos héros sont corrompus.

Point positif également, le travail de la musique qui est particulièrement appréciable. Les thèmes musicaux du film sont marquants et le choix de la bande son soulignant les emballements et errements des personnage fait très bien son travail. Parmi cette bande son, une mention particulière à l'utilisation de "Tears - Giorgo Moroder" dont le rythme entêtant résonne comme une cavale inarrêtable qui marque vraiment le film de son empreinte. Logique donc qu'elle soit également la musique de la bande annonce finale du film. 

SPOILER ALERT : Je vais essayer dans cette partie de ne pas spoiler d'éléments du film, toutefois pour aborder la question du fond, il est nécessaire de questionner le scénario. A vos risques et périls. 

 C'est donc sur le fond que le film de Cédric Jimenez vient heurter quelques écueils. Je ne parlerai pas ici des quelques erreurs de procédures judiciaires et autres étourderies du genre puisque c'est fréquemment (voire toujours) le cas dans ce genre de film. Non ici il faut s'intéresser à deux éléments qui sont malaisants dans les représentations du film. Je ne me permettrai pas ici de me prétendre "Expert" des quartiers nord de Marseille, je n'y ai jamais mis les pieds et la seule image que j'en ai est au travers d'un prisme médiatique. Mais parlons du film. 

 Le premier problème de représentation du film est celui qui lui est beaucoup reproché : Présenter les banlieues comme des zones de guerre et les habitants comme des sauvages. Et le travail de Jimenez ici fait effectivement cette présentation à dessein. Le procès de la Bac Nord de Marseille dont s'inspire le film, c'est 11 policiers condamnés pour vol de cigarettes, argents, et drogues. Les personnages principaux du film ne sont pas des policiers réglos. Alors, il faut que leurs antagonistes le soient plus qu'eux pour que le spectateur les aime. Cela passe donc par la création de scènes de guerre où tout le monde est coupable ou complice. Du délinquant vendeur de drogue à la mère et son enfant dans son appartement, tout le monde est un agresseur en puissance ou le soutien des trafiquants. Cela sert de justification aux exactions de cette brigade, et c'est dommage parce que le film par plusieurs points, s'adresse à de vrais problèmes qu'il ne développe pas suffisamment : Le manque de moyen, la politique du quota, les décisions politiques électoralistes ou médiatiques, le refus de l'action pour éviter les polémiques, la situation des prisons. Malheureusement le film n'explore pas assez ces aspects, et lorsqu'il le fait, n'en fait pas un problème systémique mais une justification de plus à la délinquance des policiers. 


Et c'est le second problème de représentation du film, c'est la glorification de ces policiers dont le comportement est répréhensible. Pour rappel, 11 condamnations sont prononcées à l'issue de l'affaire. Mais ici, le travail de Jimenez vise à s'attarder sur ces hommes en tentant le plus possible de les présenter comme des victimes d'une machinerie plus grande qu'eux. Ils sont les victimes d'un système, les victimes d'une hiérarchie, les victimes de la police des polices, d'une situation carcérale. Là où le film construit les dealers de drogues en banlieue comme une véritable armée de haine et de vrais parangons du mal, il érige en héros les policiers corrompus qui usent de vols, d'agressions, et d'autres méfaits pour exercer leur travail. Si le personnage de Gilles Lelouche peut par certains aspects se montrer sous des jours négatifs, ce n'est pas vraiment le cas de ceux de François Civil (dont on exploite les sentiments pour son indic) et de Karim Leklou (dont on exploite la vie de famille) pour les rendre profondément sympathiques au point de créer pour le spectateur un sentiment de révolte et de dégoût lorsqu'ils sont finalement confrontés aux conséquences de leurs actes.

Le dernier point problématique du film est sa fin qui se permet de s'achever sur une rédemption des personnages et un semblant de relaxe des policiers, occultant de fait les condamnations prononcées dans le cadre des faits dont est tiré le long métrage. Tous ces éléments dénotent d'un problème dans la conception du film et dans l'intention de réalisation qui se cache en filigrane. L'intention du film n'est pas de raconter les faits réels de la Bac Nord de Marseille en les agrémentant d'une enquête policière, mais de justifier les écarts de conduite dans la police par la violence du quotidien et l'absence de moyens et soutiens hiérarchiques et d'ériger en héros les policiers qui cèdent à ces moyens détournés de faire leur travail. Le film nécessite donc une réelle analyse critique et un vrai recul sur les intentions de réalisation pour ne pas en sortir avec l'idée que les banlieues sont des zones de guerre contrôlées par les milices de la drogue et que les policiers qui s'écartent de la loi sont des héros qui n'agissent que dans l'intérêt commun faute d'autres solutions. Un spectateur non averti ou moins vigilants peut effectivement être trompé par cette vision particulière du film. 

DISCLAIMER : Je ne dis en aucun cas que la police est mauvaise, ni que la délinquance est bonne, ni que la banlieue c'est la vie en rose ou le pire des coupes-gorges. Je critique uniquement une déresponsabilisation de la commission d'infractions dès lors qu'elle est commise par des policiers véreux (ce qui n'est pas la majorité du genre). 


 En conclusion, Bac Nord est un très bon film sur la forme, comme on aimerait en voir plus dans le cinéma français, mais qui interroge sur ses intentions. Il aborde des problèmes sociétaux réels que l'inaction politique a tendance à rendre plus complexes mais le fait sous un angle qui exacerbe des poncifs et minimise les causes. Enfin, il s'appuie sur un argument d'autorité d'expérience pour justifier en amont les critiques : Vous ne savez rien des quartiers nord, ni de ce que les personnages y ont vécus. Un film à voir avec un réel sens critique et beaucoup de recul. 

Je vous conseille donc d'aller voir ce film et de vous faire un avis, car après tout, rien ne vaut votre propre avis.

Sortie en salle : 18 août 2021 / 1h 44min / Thriller
De Cédric Jimenez
Par Cédric Jimenez, Audrey Diwan
Avec Gilles Lellouche, Karim Leklou, François Civil