UN APRES-MIDI DE CHIEN : VIVRE SANS TENDRESSE

  Quatre ans après leur première collaboration sur "Le Parrain" de Francis Ford Coppola, Al Pacino et John Cazale se donne à nouveau la réplique sous la direction de Sidney Lumet dans "Un après-midi de chien". Inspiré d'un fait divers relatant un braquage de banque ordinaire virant au tapage médiatique, le film rafle cette année-là toutes les récompenses des Oscars et des Golden Globes. Le réalisateur, adepte du cinéma qui hante les rues encrassées par la réalité et la misère sociale, s’amourache de la portée sociétale du casse et le transforme en porte-étendard d'un mal-être américain.   Synopsis :  Sonny et Sal entrent dans une banque par une chaude après-midi de l'été 1972 avec l'intention de faire un casse aussi rapide que lucratif. Entre désertion, improvisations et curiosités malvenues, le braquage vire à la prise d'otage ne laissant d'autres choix que la négociation ou la mort.    Les faits divers, et notamment ceux mettant en scène de

ROUGE : PETITS SECRETS EN SOUS-SOL

Présenté cette année en sélection officielle au Festival de Cannes, Rouge est sorti ce mercredi sur nos écrans en même temps que le rapport du GIEC sur l'urgence écologique. Coïncidence chanceuse puisque le film parle d'un scandale écologique tiré de faits réels. Mais "Rouge" parle t-il vraiment que d'écologie ? 

SYNOPSIS :
Nour, jeune infirmière, vient d'être embauchée comme nouvelle responsable médicale de la société dans laquelle travaille son père, représentant syndical et délégué du personnel. Alors qu'elle entre dans ses fonctions, elle découvre les arrangements de la société pour dissimuler le réel impact de la fabrication chimique de l'aluminium tant sur l'écologie que sur la santé des ouvriers. 
 

L'histoire de "Rouge" c'est avant tout l'histoire d'un père et de sa fille, d'une famille. Et les familles ce n'est pas ce qui manque. Le film nous parle tout d'abord de la famille de Nour qui travaille tous (ou presque) pour l'usine, puis de la famille de son père, ses collègues ouvriers dont il veut coûte que coûte maintenir les emplois qui les font vivre. Enfin, une autre famille se dessine, celle de la ville et des décideurs, pour qui la mort de l'usine signifie aussi la mort d'une économie, d'un électorat, d'une position sociétale. 

Toutefois, la relation qui importe vraiment est celle de Nour et de son père et de l'intéressant symbolisme que Farid Bentoumi y place. Nour représente la jeune génération inquiète des enjeux écologiques et de l'impact que représente l'industrie polluante sur la santé des ouvriers. Slimane, son père, représente la génération antérieure qui se confronte aujourd'hui plus que jamais à la disparition d'une industrie que l'on délocalise en quête de profit et pour qui, cette suppression rend les inquiétudes écologiques totalement inaudibles. Les inquiétudes sont, sous certains aspects, louables des deux côtés, mais les conséquences des actions de l'un et de l'autre ne peuvent que les opposer.

Coté cinématographie, la réalisation est appréciable et elle prend le risque de bousculer ses cadres et sa mise en scène afin de surprendre le spectateur et lui offrir des vues nouvelles. Risque payant qui permet de cadencer le film et de le poser sur les thèmes musicaux dont les cordes vibrantes de désolation nous imposent le silence. 

Un travail tout particulier est apporté aux couleurs rouge et orange et à leurs différentes variations allant de l'orange rouge vif passé de l'usine, à la boue orangeâtre qui s'en déverse. Et ce travail offre une photographie magnifique au film avec des codes intéressants puisque l'usine et sa couleur criarde au milieu de la ville, représente la protection et la survie pour les salariés et leurs familles, bien que les affres du temps aient dégradé cette teinte, symbole de la dégradation de la valeur protectrice de l'usine.  De son côté, l'orange maussade représente ce rouge dégradé et terni que l'on doit cacher et qui est sacrifiable. Ainsi les ouvriers dans leurs gilets oranges sont à l'instar de la boue, des choses que l'on peut jeter après usage, ce sont aussi des matières premières. Nour revêt tour à tour cet habit orange du dispensable et le rouge de la protection pour montrer ses différentes inclinations et prises de conscience.


En conclusion, "Rouge" se pare des atours d'un drame social et écologique classique mais se distingue de cette catégorie en poussant plus loin que le simple manichéisme sa réflexion sur l'opposition entre les volontés de préservation d'une atmosphère sociale et la sauvegarde de la planète sur laquelle nous vivons. On ne pourra s'empêcher de penser au récent "Deep Water" de Peter Berg mais sans avoir à rougir de cette proposition qui s'inscrit dans les films à voir de cette année sur les rangs français.
 
Je vous invite à voir ce film et à vous faire un avis, car après tout, rien ne vaut votre propre avis. 
 
Date de sortie : 11 août 2021 / 1h 28min / Thriller
De Farid Bentoumi
Par Farid Bentoumi, Samuel Doux
Avec Zita Hanrot, Sami Bouajila, Céline Sallette