UN APRES-MIDI DE CHIEN : VIVRE SANS TENDRESSE

  Quatre ans après leur première collaboration sur "Le Parrain" de Francis Ford Coppola, Al Pacino et John Cazale se donne à nouveau la réplique sous la direction de Sidney Lumet dans "Un après-midi de chien". Inspiré d'un fait divers relatant un braquage de banque ordinaire virant au tapage médiatique, le film rafle cette année-là toutes les récompenses des Oscars et des Golden Globes. Le réalisateur, adepte du cinéma qui hante les rues encrassées par la réalité et la misère sociale, s’amourache de la portée sociétale du casse et le transforme en porte-étendard d'un mal-être américain.   Synopsis :  Sonny et Sal entrent dans une banque par une chaude après-midi de l'été 1972 avec l'intention de faire un casse aussi rapide que lucratif. Entre désertion, improvisations et curiosités malvenues, le braquage vire à la prise d'otage ne laissant d'autres choix que la négociation ou la mort.    Les faits divers, et notamment ceux mettant en scène de

CRASH - COLLISION DE RÉALITÉS

Présenté à Cannes en 1996, "Crash" de David Cronenberg s'est attiré les foudres d'une partie de la presse et de certains spectateurs cannois avant de remporter le prix spécial du jury en clôture du festival. Jugé choquant et à la limite de la pornographie, le film s'est érigé comme l'un des classiques de son auteur et continue, aujourd'hui encore, à enflammer les débats lors de l'édition 2022 du festival.

SYNOPSIS :
Enfermés dans un couple devenu trop routinier, James et Catherine Ballard multiplient les expériences sexuelles pour se rattacher à un plaisir de vivre. Suite à un accident de la route, James va faire la rencontre d'un groupe de personnes dont l'excitation et le plaisir passent par la vision des collisions routières et le désir d'en être les acteurs.
Fanatique de la déformation des corps et de l'extraction de la psychée humaine, David Cronenberg explore avec "Crash" les parallèles entre désir sexuel, voyeurisme morbide, et mécanisation du corps. Faisant de l'enveloppe charnelle de l'Homme le réceptacle d'une énergie prisonnière attendant sa lacération pour se libérer, le cinéaste offre une réflexion sur la standardisation devenue trop routinière dans une société de consommation uniformisée. James, l'ombre d'un être humain rongé par la routine, retrouve sa vitalité dans sa collision avec Helen, fétichiste de la tôle froissée qui va l'initier à la découverte du désir morbide. 

Et cet instinct sur lequel s'appuie le réalisateur, s'il s'avère déviant dans sa représentation cinématographique, repose sur un voyeurisme morbide qui parcourt nos routes et nos esprits à chaque accident. Qui n'a jamais ralenti ou tourné la tête devant une voiture fumante ou des sirènes salvatrices ? David Cronenberg a la réponse et l'exploite pour nous mettre face à nos excitations inavouées que la société réprouve, comme le démontrent les réactions lors de la diffusion du film.
Dans cet inconfort introspectif, le corps et la machine vont se lier tant physiquement que symboliquement puisque l'œuvre érotise les véhicules tant par la représentation des courbes de la tôle qui s'effleure sous les doigts des personnages que par le parallèle tracé entre l'enveloppe humaine et la structure mécanique. Si les dommages du corps sont libérateurs, ce n'est que dans la mesure où ceux-ci surviennent dans le déchirement fracassant d'une carlingue électrisée. Une érotisation fétichiste vibrante créant une obsession extrême chez les personnages qui deviennent incapables de retourner à leurs vies personnelles.

Dans cette addiction, les cicatrices sont les marques que la mort laisse comme témoignage de son passage, une marque funeste dans laquelle les personnages puisent leur vitalité retrouvée. Une puissance libératrice qui s'échappe par une sexualité extatique, concrétisation d'un désir incontrôlable.
Mais cela est également une pénétration de la machine dans la chair humaine. Des marques du véhicule laissés dans la chair à la pose de prothèses figée dans le corps, ces déformations de l'apparence humaine sont autant la consécration d'une victoire sur la monotonie et l'ennui de la norme, que la marque d'un abandon d'une condition humaine pour embrasser celle d'un être hors du monde.
Ce symbolisme exacerbé va également trouver écho dans la composition des plans travaillant les lignes et les courbes. De l'autoroute s'étendant d'un bout à l'autre du cadre donnant l'impression d'un canevas social aliénant sur lequel chaque personne est prisonnière d'un destin uniforme et indépassable, aux droites affirmées des carlingues et éléments du décor, tout nous suggère que la norme se nourrit de la simplicité reproductible, des lignes droites et de l'attendu. En revanche, l'esthétique des cicatrices, des épaves de véhicules et des cheveux ébourrifés des têtes enivrées par le sexe sont les symboles de leur libération du carcan social, un échappatoire fantasmatique conduisant à une mort dépouillée de son drame.

En conclusion, "Crash" démontre un symbolisme et un travail cinématographique tel qu'il serait possible de lui consacrer plus qu'une simple critique. Il demeure qu'il est une excellente proposition de son réalisateur qui nous happe dès ses premières minutes pour nous plonger dans un univers hallucinatoire, ancré dans une réalité monochrome, avant de nous libérer en témoin d'une collision dramatique... et envoûtante.

Attachez vos ceintures et foncez voir ce film, car, après tout, rien ne vaut votre propre avis.

17 juillet 1996 / 1h 40min / Drame, Erotique
De David Cronenberg
Par J. G. Ballard, David Cronenberg
Avec James Spader, Holly Hunter, Rosanna Arquette