Lorsqu'il se lance dans ce projet, le réalisateur Shin'ichirô Ueda est animé par deux volontés : réaliser une comédie qui restera drôle dans 100 ans et créer un métrage avec un budget le plus minime possible. Après 8 jours de tournage, 25 000 dollars dépensés et le recrutement de jeunes étudiants en école d'art dramatique, "Ne Coupez Pas !" (Kamera o tomeru na!) voyait le jour et allait arpenter tous les festivals dans l'année qui allait suivre.
Pari réussi ou fausse bonne idée ?
SYNOPSIS :
Une équipe de tournage s'affaire à réaliser un téléfilm sur une invasion de zombie dans une usine désaffectée, sans budget ni réel volonté, lorsque soudainement de vrais zombies surgissent et perturbent le tournage. Poussé par un réalisateur fou, le tournage ne doit pas s'arrêter.
Amusé par les films de zombies et leurs clichés, Shin'ichirô Ueda trouvait amusant d'en tourner un en se donnant pour mission de ne surtout pas le prendre au sérieux. C'est une grande réussite et autant dire que sous ce prétexte de téléfilm de zombie, le réalisateur qui se cache aussi derrière l'écriture du scénario ne parle pas tant de nos amis les non-morts que des difficultés de tourner un long métrage lorsque les volontés artistiques se trouvent confrontées aux exigences de la production, aux caprices des acteurs, au manque de moyens, et aux aléas que présente un tournage où le moindre accident peut réduire à néant un plan bien orchestré.
Décomposé en trois actes, "Ne Coupez Pas !" se réinvente à chaque basculement pour surprendre ses spectateurs et amener son propos sur un angle que l'on attendait pas. Commençant comme un simple téléfilm petit budget bancal et peu imaginatif, le scénario déploie ses ailes pour changer cet image dans son deuxième et troisième acte. Une fois dépouillé de son premier acte, il amène le spectateur à la partie cachée du cinéma sans laquelle rien ne serait possible : Ce qui se passe derrière et autour de la caméra. D'une impression de malaise que l'on devine volontaire, le spectateur est conduit à une forme d'empathie pour le réalisateur survolté et passionné ainsi que l'ensemble de l'équipe qui rend possible un tournage impossible.
Alors qu'en est-il de la comédie ? Là encore c'est avec un crescendo que "Ne Coupez Pas !" va imposer l'humour de ses scènes ubuesques et de ses personnages loufoques. Si le burlesque sera l'inspiration prédominante de cette comédie, c'est également par un phénomène de miroir déformant entre le premier et le dernier acte que le comique va apparaître au grand jour. Vous l'aurez compris, Shin'ichirô Ueda tourne un film sur une équipe de tournage qui tourne un téléfilm mais la particularité est que cette production télévisuelle est diffusée en direct, et doit se composer d'un unique plan séquence. Pari aussi osé que celui de son réalisateur, cette situation va amener les personnages à dévoiler une montagne d'ingéniosité pour y arriver.
Au travers des portes qui claquent sur des zombies hagards et des cris d'effrois totalement simulés par une starlette d'apparat, c'est une représentation du cinéma ordinaire que nous propose Shin'ichirô Ueda. Loin des superproductions et de l'organisation militaire des films à grand budget, le réalisateur nous invite à repenser le cinéma et à imaginer comment rien ne serait possible sans une adaptation et une inventivité de chacun. Si l'on a tendance à voir les films uniquement comme les œuvres de leurs réalisateurs il n'en est pas moins vrai qu'ils sont également les créations d'un collectif qui œuvre en harmonie pour matérialiser une vision et une intention. Et c'est cette morale que l'on essaye de nous transmettre, notamment dans une scène finale qui s'émancipe du grotesque de sa situation pour nous inviter à la réflexion de son symbolisme.
En conclusion, si il nous est difficile de savoir si l'humour de "Ne Coupez Pas !" sera toujours aussi efficace dans 100 ans, il nous est quand même possible d'affirmer que 5 ans après sa sortie dans une unique salle japonaise, il conserve toujours cet aspect décalé et profondément sincère qui nous permet d'entrer dans cet univers d'apocalypse cinématographique. En même temps, quoi de mieux que d'apporter en trame de fond les coulisses du cinéma pour s'assurer un discours qui est et restera toujours d'actualité. Alors n'hésitez pas, débranchez votre cerveau (avec ou sans hache) et laissez vous guider par Shin'ichirô Ueda derrière la caméra de sa caméra de son invasion des morts-vivants.
Allez voir le film et faites-vous votre avis car, après tout, rien ne vaut votre propre avis.